samedi 27 septembre 1997

Tolérance: qualité ou défaut?

C'est le genre de chose d'indéfinissable, comme une vague impression, qui m'assaille depuis un certain temps chaque fois que j'entends dire des commentaires comme: Ah, le Canada, un pays de tolérance. En fait, cette gène je l'ai remarqué surtout en faisant le ton sur lequel on dit cette autre phrase: Je te tolère! N'y décèle-t-on pas une pointe de mépris?

Être en marge


La tolérance, au fond, c'est la marge entre l'acceptation et le rejet. C'est une zone tampon, un espace de sécurité, avant de sauter directement dans l'intolérance. A mon oreille ça flirte un peu trop avec le mépris. Le parallèle me saute aux yeux. Comme la tolérance, le mépris aussi se situe dans la marge. Entre le prendre et ne pas prendre, il y a le mal prendre, le mépris. Et comme les promenades en montagne, à trop se promener sur le bord de la falaise on y tombe, tôt ou tard.

L'intolérance


La tolérance n'est pas le contraire de l'intolérance. Ce serait plutôt l'intolérance qui est le contraire de la tolérance. La tolérance est une sorte de mépris qui se pare d'un sourire pour ne pas avoir l'air trop répréhensible. Dans le discours du tolérant on remarque toujours ces petites pointes: je ne suis pas raciste, MOI. Je paie mes impôts, MOI. Je ne vis pas au crochet de la société, MOI. Le tolérant est toujours mieux que ceux dont il tolère la présence. Il est toujours mieux parce qu'il considère que l'autre ne l'est pas. La tolérance a quelque chose qui pousse à ne pas en faire plus pour l'autre. La tolérance c'est la reconnaissance de son impuissance à pouvoir rejeter l'autre si on s'écoutait, si il n'y avait pas les conventions sociales.

L'accueil


Si donc la tolérance n'est pas le mot qui exprime le mieux notre pensée quand on désire se placer en opposition avec l'intolérance il faut alors en découvrir un autre. Pourquoi pas l'accueil. L'accueil implique quelque chose de plus actif. Il nécessite un rapprochement, des bras ouverts. Quand on accueille l'autre, on l'accueille avec ses différences pas malgré elles. Quand on accueille l'autre on est responsable de lui. Responsable de son bonheur, responsable de son malheur. Ça nous force un peu, il me semble, à ce qu'il soit plus souvent dans le bonheur que dans le malheur. Parce que l'autre aussi est responsable de nous. Car il n'y a pas de Je s'il n'y a pas de Tu, comme le répète toujours Albert Jacquart. En rejetant l'autre, en refusant de l'accueillir, nous rejetons aussi l'instrument de notre propre bonheur.
Originalement écrit en 1997/09/27>

lundi 9 juin 1997

À quoi doit servir un système d'éducation

Ou à qui... On oublie trop souvent, sous la pression des lois du marché, qu'il y a là une ressource incroyablement mal exploitée. Mal exploitée parce qu'on connaît mal ses raisons d'être et que tous et chacun cherchent à en détourner les rouages pour son propre compte, son propre profit.

Le profit.



Le mot est lâché. Comment fait-on des profits dans le monde moderne ? Facile ! Tu prends une ressource bon marché que tu revends plus cher à quelqu'un d'autre qui n'a pas, soit les possibilités, soit les ressources, soit l'idée de le faire lui-même. Dans un monde infini, ce serait aussi simple que ça. Mais si la ressource s'épuise, l'activité aura une fin dans le temps. À moins de la renouveler évidemment. Certains ne découvrent pas seul ce principe et n'ont alors que le réflexe de changer de ressource et de recommencer le cycle du profit. Le bois, le charbon, le pétrole, le nucléaire illustrent bien cela. Après d'intensive coupe à blanc, le bois manquant, on passe au charbon, puis au pétrole. Le nucléaire n'est pas plus la solution puisqu'il ne fait que reporter le problème de l'approvisionnement plus loin.

Renouveler la ressource



Déjà avec le bois, on commence à comprendre et on reboise. Pour le charbon, le pétrole et le nucléaire c'est plus compliqué car on ne sait pas en refaire. Mais on est déjà moins intelligent avec le poisson. Pendant qu'on élève les volailles et les bovidés, on ne semble pas voir qu'on peut (doit) faire la même chose avec le poisson. Évidemment, le poisson de la mer ne coûte rien si ce n'est que les moyens mis en oeuvre pour le capturer. Et c'est là le propos de ce texte. On pense que les ressources ne coûtent rien c'est qu'on oublie qu'elles ont une valeur. La valeur de remplacement.
De pêcheur, nous devons devenir des producteurs de poisson comme de bûcherons nous sommes devenus producteurs de bois.

Oui, mais l'éducation là dedans !



À quoi sert le système d'éducation ? À nous former pour combler des emplois ? Faux. Archi-faux. L'éducation sert à fabriquer des citoyens, pas des employés. Et voilà nos entreprises qui voguent sur les mers du marché, qui puisent, sélectionnent des candidats dans leurs filets. Soudain on parle de pénurie de main d'oeuvre spécialisée pour affronter la "nouvelle économie" alors que des chômeurs rament comme ils peuvent pour survivre. Paradoxe pour ceux qui ne pensent que comme les anciens bûcherons, s'enfonçant de plus en plus loin dans "la forêt" pour rejoindre les essences de bois "utiles".

La solution donc qu'elle est-elle ?



C'est aux entreprises de devenir producteurs de main d'oeuvre. C'est en entreprise qu'on a à apprendre le métier. Elle sera d'autant mieux formée que l'entreprise, elle-même, y aura vu. Voilà la flexibilité de l'entreprise de demain. Pas celle qui embauche et débauche sa main d'oeuvre comme bon lui semble. Ça, ça ne démontre que de la mauvaise planification. Mais celle qui forme et réoriente ses partenaires selon les besoins de développement et de croissance. Quand on y pense, c'est un peu comme dans le bon vieux temps où le vieil artisan prenait sous son aile un apprenti, le formait, lui enseignait les secrets du métier. Pour l'artisan, ce sera le plus sûr moyen de s'assurer que l'idéal de l'entreprise, sa culture, se perpétue.

Originalement écrit en 1997/06/07