samedi 28 mars 2009

Entre glace et lumière

Le printemps est une période d’une joyeuseté merveilleuse. On est sorti de l’enfermement des glaces, des manteaux et des bottes et on n’est pas encore dans le lourd règne du soleil de l’été et de ses facteurs humidex.

La première promenade à vélo de la saison, c’est comme une déclaration d’indépendance. Une borne placée pour rogner un bout du territoire sur la saison morte qui nous a tenu sous son joug blanc et paralysant.

J’ai la chance de vivre à un coin de rue de la rivière des Prairies alors un coup de pompe pour gonfler mes pneus, un coup de pédale et je me retrouve près de l’eau à contempler les ébats des canards qui marchent sur les franges de glace qui résistent encore sur les berges.

Ces berges de glace, soumis aux forces érodantes des eaux gonflées du printemps, se fissurent et forment des canyons caractéristiques. Je connais un géographe de mes amis qui serait bien content du type de regard que m’inspire cette nature en perpétuel changement.

A l’image de la tectonique des plaques qui fissure les plaques continentales sous l’effet du magma interne, les glaces subissent la même pression et de longues fissures crevassent le couvert neigeux, prémisses d’une dérive prochaine vers le fleuve tumultueux.

Puis au gré des vents et des courants, les iles de glaces s’évadent et se laissent dériver. Ces géants de glace, autrefois si contraignant, perdent pied et lâche prise sous le regard du soleil éclatant. Cette année point d’embâcle sur la rivière qui inquièterait les riverains. Juste un ballet de cristaux blancs qui paresseusement s’en vont.

Et la lumière. La lumière qui a fait tant défaut l’hiver durant se remet à briller. Un soleil, deux soleils. Des milliers d’éclats qui se reflètent partout, éblouissant, perçant, chatoyant.

Et le calme, bercé d’une légère brise fraîche, s’impose. Même si le silence est perturbé par le cri des oiseaux ou celui des enfants qui jouent à se faire peur dans le parc.

Un coin de paradis auquel on serait tenté de croire… si ce n’était d’un visiteur importun, rouillé et incongru, qui profite de se moment de la journée pour déménager ses pénates et aller mourir ailleurs.

Bref rappel de la réalité de la proximité de la civilisation, je me remet en route. J’étais tout de même parti faire un tour de vélo. Histoire de me dérouiller moi-même les muscles d’une saison d’inactivité chronique.

Mais voilà, la piste, elle, n’est pas encore libre des glaces comme sa voisine, la route liquide. Elle ne bénéficie pas du regard ardent du soleil ni de la pression souterraine de l’eau. Elle prendra un peu plus de temps donc pour laisser passer les promeneurs sur deux roues.

Ce n’est que partie remise. On n’est même pas encore en avril et j’ai déjà sorti mon vélo. C’est déjà bien mieux que l’an passé. Je suis très heureux. J’ai déjà ma victoire…

samedi 21 mars 2009

Y-a-tu juste moi qui fait de quoi icitte?

Voilà une phrase que tous et chacun on prononce de temps en temps. Quand sous la pression, on voit que l’Autre, celui à qui s’adresse l’accusation, ne semble pas avoir le même sentiment d’urgence que soit.

C’est une phrase assassine, qui blesse plus qu’elle ne renoue le dialogue ou ravive la motivation.

J’ai toujours été du style généreux. Attentif au besoin des gens. Quand je vois qu’une tâche est répétitive, facilement sujette aux erreurs d’inattention, je me précipite sur mon ordinateur pour chercher des moyens de l’automatiser. Parce que je n’arrive pas à comprendre des gens qui s’évertuent à retaper de longues commandes plutôt que de faire des copier-coller ou mieux le merveilleux drag&drop. Parce que je ne comprends pas qu’avec les centaines de mots de passe avec lesquels il faut travailler chaque jour dans mon domaine il y a des gens qui s’entêtent à ne pas les noter quelque part, un endroit sûr; vous savez, le genre de mot de passe qu’on utilise qu’une fois par trois ans pour renouveler une licence quelconque mais qui le moment venu disparait de votre mémoire.

Je suis comme ça. Je fais des scripts, des outils divers. Oh des fois ce n’est pas grand-chose, l’outil en lui-même n’a rien du super-méga-machin qui fait tout et même le café. Juste le genre ouvre-boîte, pratique, même pas électrique. Juste un petit bout de métal qui a la bonne forme, adapté à sa fonction. Quand dans le fond des bois tu n’a qu’une boîte de conserve pour te nourrir mais que tu n’as pas ce petit outil, super-simple, mais qui t’épargne bien des efforts, tu perds ton temps à taper dessus avec une pierre et tu te retrouve avec de la purée. J’aime la simplicité. Je n’ai pas tellement pas le style Linux, avec ses commandes ésotériques. Est-ce qu’il faut un « --r :3 » ou bien un « /Td » au bout de la commande? Beurk! Épargnez à mon cerveau d’avoir à retenir des informations aussi insipides et aliénantes que ça!

Y-a-tu juste moi qui fait de quoi icitte?

Cette phrase-là, je me le suis fait servir cette semaine… À propos d’un courriel auquel j’ai oublié de donner suite dans le tourbillon des milliers de choses auquel il faut donner suite. Un avis demandé mais qui nécessitait quand même réflexion et qui ne pouvait pas être répondu sur le champ. Puis le tourbillon fait perdre de vue…

Y-a-tu juste moi qui fait de quoi icitte?

Je bouille, je fulmine.

Cette remarque, pourtant servi ad nauseam, à la limite de la caricature, cette remarque cette semaine m’a transpercé le cœur comme une injustice, une absence de reconnaissance du travail accompli. Une remarque suite à l’oubli d’un feedback pour améliorer l’usage l’un des outils que J’AI FAIT. Un outil que j’ai fait sur mon temps personnel, de chez moi, de ma propre initiative. Un outil qui a fait sauver des milliers de dollars de temps d’employé, qui a standardisé la mise à jour de notre logiciel chez nos clients, qui a haussé la qualité d’implantation, qui a sauvé la mise pour les subventions de R&D dans une année particulièrement creuse en projet admissible.

Y-a-tu juste moi qui fait de quoi icitte?

J’enrage… J’ai failli explosé…

Moi aussi, certain jour, j’ai l’impression d’être un « one-man army ». Moi aussi, certain jour, j’ai l’impression de vivre avec des gens qui n’ont pas d’oreille pour les changements de façon de faire. Si on était des machines on pourrait se télécharger des nouvelles procédures en une microseconde, aller d’un même pas dans la même direction. Fini les frustrations de la communication. Pourtant c’est justement la multiplicité de point de vue et le choc des idées qui fait avancer les choses. Mais la multiplicité de point de vue, c’est aussi la solitude quand on n’arrive pas à communiquer sa motivation. On peut mener son cheval à l’abreuvoir mais on ne peut pas le forcer à boire. Ni à voir selon notre point de vue.

Moi quand je frustre. J’écris un outil… ou je marche. C’est plus constructif que de me plaindre de l’immobilisme ambiant.

Est-ce que je frustre souvent? Si j’en juge par l’ampleur de ma librairie d’outils… pas mal…

Puis faudrait que je m’achète des souliers aussi, mes semelles sont complètement fini…

mardi 10 mars 2009

Expo-science régionale Bell

Ah! J’ai toujours une sorte de surexcitation qui m’envahit quand je pense à cette période de mon adolescence. C’est sûr que j’irai faire un tour au biodôme en fin de semaine pour aller voir les kiosques à la finale régionale de l’Expo-science.

Quand je regarde comment c’est passé la période d’adolescence de gens qui m’entourent j’ai toujours l’impression d’avoir été un extra-terrestre. Il y en a qui ont passé leur temps à faire du sport, d’autre à essayer de se trouver des combines pour être toujours sur le party. J’en ai connu qui ont passé leur temps à jouer à des jeux de rôles, Donjons et Dragons et associés. Certains ont passé leur temps dans la rue, à faire des mauvais coups. Des choses normales quoi. Moi, rien de tout ça. Ce qui, moi, m’a accroché complètement ce sont les clubs de sciences.

La première fois, c’était en secondaire 2. A la polyvalente Leber (aujourd’hui nommé polyvalente de La Montée), il y avait le TNS, temps non-structuré. C’était des périodes à nos horaires, sans cours, mais où l’on pouvait participer à divers activités parascolaire. De la simple étude ou période de rattrapage, mais aussi des activités diverses reliées ou non à des cours. Je me souviens qu’après le cours d’initiation aux sciences physiques où on avait fait des expériences sur l’électrolyse de l’eau, mon professeur Bertrand Thibault m’avait invité à venir à période de TNS dont il était le responsable. J’avoue que je m’y était bien amusé à faire toutes sortes de variantes d’électrolyse. D’abord pour faire des bulles de gaz, oxygène, hydrogène, chlore mais ensuite pour faire des placages de nickel en se servant de vieux 5 cents comme électrodes (attention c’est illégal de détruire de la monnaie).

Puis j’ai voulu faire des placages de chrome. Comme on avait pas de composé de chrome se prêtant bien au placage, nous avons dû d’abord prendre deux composés chimiques pour faire du chromate de potassium et alors en faire l’électrolyse et faire un beau placage chromé. Je dis beau, c’est assez exagéré car la clé que j’avais plaquée en chrome était inutilisable vu que le placage était loin d’être uniforme. C’était plus proche de la branche de sapin avec toutes ses aiguilles et très friables si vous voyez ce que je veux dire. Inutilisable comme résultat. Mais quand la piqure de la science te prend… En connaissez-vous beaucoup, vous, des étudiants qui passent tout leur temps libre à la bibliothèque à feuilleter Encyclopedia Britannica pour trouver des formules chimiques pour fabriquer du cyanure de cuivre à partir de l’oxygénation d’une solution de cyanure de potassium et de ruban cuivre?

C’est ainsi que j’ai participé à la première Expo-science de l’Estrie en 1975, avec mon projet de galvanoplastie (placage de métaux par méthode d’électrolyse). Avec un simple invitation à aller plus loin que l’expérience d’électrolyse de l’eau, mon professeur Bertrand Thibault a été un véritable mentor et accompagnateur de ma curiosité naturelle. C’est une denrée rare, un professeur qui a l’air aussi curieux que toi et qui fait aussi des expériences hors-programme dans la réserve de matériel scientifique pendant les pauses. Il m’a conduit ainsi de la chimie à la biologie, puis à l’électronique et l’informatique. Il m’a fait rencontrer des profs du cégep et de l’Université de Sherbrooke pour voir la faisabilité des plans électroniques que je dessinais. J’avais grâce à lui une carte pour emprunter des livres à la bibliothèque des sciences pures et appliquées de l’université alors que je n’étais qu’en secondaire 4. C’est là que j’ai utilisé un terminal pour entrer des données en octal sur un ruban perforé pour programmer un circuit de mémoire EPROM pour mon projet d’horloge-mémoire, avec lequel j’ai gagné le premier prix de construction d’appareil scientifique à l’expo-science en 1978.  Si je suis programmeur aujourd’hui je le dois très certainement à cette première impulsion qui a allumé chez moi un feu qui ne s’éteint pas.

Comment voulez-vous que ça s’éteigne? Tous mes amis faisait partis du club de sciences. J’ai passé tout mon secondaire avec des gens qui construisaient leur télescope, qui construisaient des moteurs linéaires à induction magnétique, des réacteurs à propulsion ionique, à disséquer des rats, à cultiver des bactéries ou à construire des mini-fusées avec des instruments de mesure météo. C’était ça mon “ordinaire”.

Alors quand on me demande ce que j’écoutais comme musique quand j’étais jeune je réponds simplement que la musique ça c’était l’autre gang, la gang de la radio étudiante. Nous, on était trop occupé à démonter des oscilloscopes et à scruter des encyclopédies.

De toute façon, c’était silence obligatoire à la bibliothèque…