dimanche 29 mai 2011

La caverne internet

Platon décrivit un jour dans ses conversations une caverne. Dans cette caverne, des prisonniers étaient enchainés depuis l’enfance à des piliers, ne pouvant tourner la tête. Toute leur vie, ceux-ci voyaient sur le mur face à eux des ombres s’agiter. Ils voyaient des gens, des animaux, des outils. Toute une vie se déroulait devant eux. Ces ombres étaient pour eux l’unique réalité, les prisonniers n’en connaissant pas d’autres. Un jour un des prisonniers fut libéré. Au sortir de la caverne, celui-ci vit le soleil. Il eut mal aux yeux car il ne le connaissait pas. Ébloui, il vit la cité, les marchés, les gens parcourir les routes sur des chevaux. Il ne comprenait rien de ce qu’il voyait car rien ne l’avait préparé à cet évènement. Sa réalité se déroulait en deux dimensions sur le mur de la caverne. Devant lui un monde nouveau en trois dimensions, étrange et inquiétant. L’homme comprenait le monde des ombres qu’il percevait mais était démuni devant le monde réel qui dépassait la conception qu’il s’en était fait jusque là.

Combien d’heures passons nous devant des écrans, enchainés à nos claviers? On se lève, on consulte la météo à la télé. “Tiens, il y a pas mal de circulation sur Décarie aujourd’hui, si j’en juge ce que donne les caméras de Transport Canada”. Puis un petit coup d’œil sur les courriels sur iPhone. Puis au boulot, l’écran nous avale tout rond, des heures durant. Clic-clique-clic-clic. De retour du boulot, dans l’autobus, tout le monde a les yeux rivés sur leurs jeux PSP ou autres “smart phones” à texter. A la maison, hop, mise à jour de mon statut Facebook. Lecture de journaux, articles divers. “Tiens, un article de blog bizarre?” Hop! Un clic et on partage le lien sur Facebook ou Twitter.

Ding dong un courriel! Ah, quelqu’un a commenté mon statut Facebook de la veille. Ha ha ha! Je clique sur “J’aime”.

Internet est-il la nouvelle caverne de Platon?…

On nous parle de réalité augmenté, de télé-présence, de réseaux sociaux…

Bientôt, on arrivera plus à s’expliquer la réalité sans se référer à ce qu’on observe sur l’internet. La révolution égyptienne, et le printemps arabe, n’aurait été possible sans les internautes et leur capacité à contourner la censure de l’information et ainsi à coordonner leur mobilisation, dit-on.

Je lisais sur Facebook, une liste de commentaires sur le profil d’un ami. “Youhou? Ça va? Tu m’inquiète? Quelqu’un a-t-il son numéro de téléphone pour l’appeler. J’ai peur qu’il fasse une bêtise”. Puis quelques minutes plus tard, “C’est beau, je l’ai appelé. Il est frustré mais tout va bien. Il est chez lui maintenant et il dort”. Big Brother, c’est pas juste pour nous observer et nous contrôler. Ça peut aussi servir à sauver des vies entre amis.

Des fois, ils y a des gens qui se demande à quoi ça sert d’avoir 424 amis sur Facebook si la plupart sont silencieux et n’ont pas l’air de contribuer à la communauté “de mémèrage”. Des fois, il y a du non-dit qui circulent sur les réseaux sociaux. Ça ne se traduit pas toujours par des petits “smiley” ;-) ou :D ou encore :( … Des fois, c’est encore plus subtil que ça.

Des fois aussi on fait juste un petit commentaire. Comme un bine sur l’épaule pour rappeler qu’on est là et qu’on s’inquiète. Et hop! C’est comme un coup de batte de baseball en arrière de la tête. Ok, mauvais timing. Comment je pouvais interpréter la disparition d’un blog moi? Une multitude de signaux montrant une suite de coup dur, de désillusion, de découragement. Puis un bavardage incessant qui tout à coup devient une sorte de silence radio. Toc, toc, toc! Il y a encore quelqu’un? Bang! “C’est pas le bon moment, tu vois pas là?”

Le silence c’est l’absence sur le fond de la caverne de Platon.

Si aucune ombre ne s’agite. Est-ce un motif pour s’inquiéter?

Moi, je pense que oui.

C’est ça l’amitié. Être présent, en pensée, malgré la distance.

On a le droit de le dire qu’on pense à ceux qu’on apprécie. Même si c’est Platonique…

Tant pis pour les bosses en arrière de la tête…

Amitié quand même…