samedi 28 juillet 2012

Chut!

Ah! Le bruit des villes...

Vous vous approchez de quelqu'un et vous lui dites: “cggrub grxr ordtyv!”
- ”Quoi? Je n'ai pas compris!”, vous dit-elle, la main en cornet autour de l'oreille.
- “J'ai dit, cggrub grxr ordtyv!”
- ”PARLEZ PLUS FORT, JE N'AI PAS ENTENDU!”

Parler plus fort, n'est-ce pas là le réflexe normal dans le brouhaha de la ville? Et si c'était le contraire qu'il fallait faire?

Parler plus fort c'est essayer de passer par-dessus ce qui nous entoure, c'est faire fi du désir des autres d'être entendu. Et puis ça décourage de s’engager dans des explications interminables, voire faire des simplifications réductrices. La persuasion plutôt que la négociation.

Parler moins fort, c'est inciter aux rapprochements, inviter à la confidence. Donner la chance d'atteindre un niveau de conversation où les raccourcis de pensée, les clichés et les lieux communs ne se sentent pas à l'aise. Un niveau où la vérité de relation s'établi.
Ce n'est pas pour rien que le marketing et la réclame publicitaire occupe les niveaux sonores les plus hautes. C'est pour occuper toute la place. En stratégie publicitaire, on emploi le terme de saturation.

Parler moins fort, c'est inviter à la profondeur. C'est promouvoir le dialogue, la réflexion. Les niaiseries, elles, flottent à la surface, s'accumulent, s'amoncèlent, finissent par scléroser le courant des idées. Parler moins fort, c'est permettre à plus de gens de parler, de s'exprimer, ça permet la rencontre d'une multitude de points de vue.

On a deux oreilles. C'est pour entendre ceux qui n'ont plus de voix, ceux qui n'en peuvent plus de crier. Crier plus fort, c'est l'apanage de ceux qui ont les moyens, les moyens de faire fi des désirs des autres. Il t a ceux qui ont les moyens de se faire placarder leurs visages sur tous les poteaux de la planète, et ceux qui, en silence, n'ont plus les moyen de faire autrement que de tendre la main le long des trottoirs de la ville.

Faire le silence, ce n'est pas fuir à l'abri des autres. C'est au contraire se mettre à leur portée, de cesser de courir, et de se laisser rattraper par le vrai. C’est aussi prendre son temps. Le temps de dire, d’entendre, de comprendre, de réfléchir. Prendre le temps pour l’autre.

Chut! Parlons!

lundi 2 juillet 2012

La fatigue des choix

Crémeuse ou traditionnel? Une table ou une banquette? Au bar ou salle à manger? Cuisse ou poitrine? Portion modéré ou régulière?

Damné choix…

C’est dans ces petits moments là que tu te rend compte que tu es plus fatigué que tu penses.

Petite tranche de vie: Je vais dans un Tim Hortons et je me place dans la file pour commander. Devant moi, un femme regarde le menu accroché derrière le comptoir, elle hésite… Puis après un moment, elle se place de côté et me dit: “passez devant, je n’ai pas fais mon choix”. Merci. Je commande un café et un muffin. La serveuse me regarde, et ses mains oscillants comme pour marquer l’attente d’une suite à ma commande, rétorque: “et… quelle taille?”

Quelle taille le café? Awwww! S.v.p. ne me faites pas réfléchir là, je suis fatigué. Quelle taille, quelle taille? Ordinaire quoi! Je regarde le menu à mon tour et je constate qu’il y a cinq tailles disponibles… Cinq tailles disponibles!! Très petit, petit, moyen, grand, très grand!

Misère, pourquoi vous me faites réfléchir là?

C’est pour ça que je veux un café et un muffin. Parce que je suis fatigué. Parce que je ne réfléchis plus droit.

Je n’ai pas envie d’un introspection exhaustive. J’ai soif? Un peu? Beaucoup? À la folie? C’est quoi la correspondance en millilitres du breuvage et la dose de caféine qui va me remettre en selle? Latté, expresso, cappuccino, vanille, cannelle, … Fouille moi! Je le sais-tu moi?

Awwwwww! J’veux juste un café!

J’allais dire comme d’habitude mais le café ce n’est pas vraiment une habitude pour moi.

Pourquoi, il n’y a pas de valeur par défaut. Avant on disait “régulier”, pas “moyen”. En informatique, quand un choix est offert à l’utilisateur, il est d’usage d’initialiser les cases d’un formulaire avec des valeurs par défaut. Une valeur qui n’est pas dans les extrêmes, une valeur qui a toutes les chances d’être la bonne. Le choix est toujours possible. Mais au moins, en l’absence d’une décision réfléchie le système aura une valeur  pour fonctionner correctement et ce fonctionnement sera “comme d’habitude”. Rien d’hors norme.

C’est fatiguant choisir, décider. Plus le choix est irréversible, définitif, plus le choix est fatiguant. On appelle ça la fatigue décisionnelle. Et plus on décide moins nos décisions sont bonnes.

Décider, ce n’est pas rien. Saviez-vous qu’il y a la même racine étymologique entre décider et homicide? Du latin, “caedere”, qui veut dire trancher, tuer. On tue des possibilités. Et comme tout ce qui est irrévocable, ça demande un énergie mentale qu’on n’a pas à l’infini. Ça use le mental.

Pourquoi au Tim Hortons, ils ont cinq tailles de café, dites-moi? Un café “régulier” ça n’est plus suffisant? Il n’y a plus assez d’adepte de la taille “régulier” pour obliger chaque client, tous et chacun, à choisir la taille qu’il désire? Petit et régulier ce n’est plus suffisant comme taille? Ne pas choisir veux maintenant dire pas de café finalement? Il faut cinq tailles différentes? Et ce pour chacun des autres choix du type latté, expresso, cappuccino, allongé, vanille?  Ou bêtement café ordinaire?

Ils peuvent bien avoir réduit les caractères sur leur menu derrière pour “rentrer tout ça”. Je songe sérieusement à changer de lunettes pour réussir à déchiffrer une pareille grille de décision. Ça prend déjà plusieurs secondes rien que pour localiser la section “café”.

Quand je fais la conception d’une nouvelle interface d’un logiciel, c’est fou le nombre de décisions qu’il y a prendre. Pas juste la grosseur des caractères, et la position des champs de saisie. C’est aussi dans le design de “l’expérience utilisateur” qu’il y a le plus de travail. Le choix du schéma mental que sous-tendra le fonctionnement d’un écran, sa logique interne, c’est souvent les choix les plus définitifs qu’on a à prendre, et ce, avant même d’avoir écrit une seule ligne de code. C’est la partie la plus fatigante car la plus définitive. L’interface, c’est une zone sensible pour les utilisateurs. “Woua! Pourquoi ils ont changé mon programme? Avant, telle option était accessible directement et maintenant c’est trois menus plus creux! Ça prend x clics de plus! J’ai pas juste ça à faire réapprendre à utiliser le logiciel moi!”

C’est le syndrome, ajouter c’est ok mais modifier jamais! Plus de fonctionnalités oui, plus de complexité non!

Ça marchait bien AVANT!

C’est pour ça que lorsqu’on change quelque chose, on ajoute des choix mais, surtout, surtout, on met une valeur par défaut. La valeur de ce que ça faisait AVANT quand on n’avait pas à faire le choix! C’est moins cher en énergie d’acquiescer la valeur par défaut que d’avoir à re-choisir la même valeur qu’on avait avant. Choisir à répétition, ça brule de l’énergie. Ça fatigue…

“Combien de sucre et de crème?”… Je réponds: “crème seulement”…

Pourquoi j’obtiens encore le mosus de même regard de la serveuse? “Une crème, deux crèmes,… dix crèmes?”

Pourquoi “un” c’était pas une valeur par défaut!! Quel pourcentage de la population met dix crèmes dans son café, veux-tu bien me dire? Pourquoi me forcer à choisir, la même valeur par défaut qu’avant?

UneCremePasDeSucre

Misère!!

Qu’une niaiserie comme ça m’irrite à ce point me montre à quel point je suis fatigué.

Vivement que je prenne des vacances…

“Pis? Tu t’en vas où en vacances?”

Awwwwww!!! Des vacances… juste des vacances…

Des vacances c’est pour ma pauvre tête. Après, on verra où finalement ça s’est passé..