samedi 12 octobre 2013

Mais qu'est ce qu'ils en comprennent...

J'embarque dans l'autobus. Mon esprit gambade, papillonne, passe d'une idée à l'autre.
Puis je remarque des enfants, près de leur parent, qui réclament de prendre, de toucher leur téléphone intelligent. Ouin! Je veux cliquer!!


Ils sont nés après qu'on ait inventé les téléphones intelligents, après les tablettes. Mais qu'est-ce qu'ils comprennent du fonctionnement de ces outils, me surprend-je à penser...

Il n'ont jamais vu de téléphone murale à roulette. N'ont jamais vu un monde où l'internet n'existe pas. "Pourquoi Christophe Colomb n'a pas utilisé Google Map pour aller en Amérique?"

Je regarde mes collègues de travail. Il n'ont jamais vu une carte perforée. Ne se sont jamais battu avec une limite de 3k de mémoire. Ils n'ont jamais travaillé avec un terminal papier, sauvegardé leur programme sur un lecteur cassette. Que comprennent-ils du concept de compilateur 2 passes, de dump mémoire hexadécimale, d'un monde avant dBase. A mon retour aux études, au cours d'histoire de l'informatique, l'histoire des ordinateurs commençait avec les 386. Hein?!? Où sont les 8080 d'Intel, les 6502 de Motorola, les TRS-80 de Radio Shack?

Est-ce qu'on avance? Est-ce qu'on perd un peu du sens des choses à force de nouveauté, de technologie, de nuage.

Je me souviens de mon prof au secondaire, Bertrand Thibault. Il avait fait un additionneur avec des transistors. Il s'amusait avec des LED, des fils, des pinces aligators, un "tout nouveau" circuit de mémoire électronique 2102. On est en 1975.
L'année du Altair 8800 qui motive Bill Gates à fonder Microsoft. Moi, je construisait des circuits complexes à partir de circuits intégrés qu'on ne trouvais pas à l'école mais au cégep et à l'université. Ça épatait mon prof mais moi j'étais nul avec des transistors, des condensateurs et des rhéostats.

Mon oncle, quand il habitait chez nous pour ses études utilisait une règle à calcul. Objet étrange, deux bouts de bois ou de plastique, à graduation logarithmique avec un curseur transparent, d'où sortait des résultats de calcul étonnants.
Comment par ces manipulations habiles arrivait-on à des résultats comparable en vitesse à ceux que j'obtenais avec une calculatrice. Comment pouvais-je comprendre, alors que je n'en étais pas encore au logarithme à l'école. Je n'en ai jamais utilisé. L'usage s'en est perdu. Pourtant, à une époque où on enseignement plus la règle de trois à l'école, j'ai l'intuition qu'une compréhension des principes éclairerait bien des gens. Après tout, la NASA s'est rendu sur la lune avec ça.

Et que comprennent les jeunes, qui exigent des aliments bio à l'épicerie, des longues journées harassantes des cultivateurs d'autre fois. Travaillant d'une étoile à l'autre, ne pouvant que compter que sur la force de leur bras et les générosités de leurs terres en "bois deboute". Que comprennent-ils avec leur insouciance, des longs exils des pères, l'hiver, dans les chantiers, sans autre sécurité qu'une nombreuse famille pour avoir des bras pour les travaux de la ferme le printemps.

Nous vivons sur les épaules de nos ancêtres mais le sens de leur vie nous échappent. Il ne fait plus écho dans la modernité. Nous en sommes pourtant redevable. De la persévérance, de l'opiniâtreté. Par la langue et la religion, ils ont construit un rempart contre l'assimilation. Ils ont façonné une identité forte, autour d'une fièreté tissée serrée. Un peuple bâtit autour d'un "Je me souviens". Comment s'en souvenir si on n'enseigne que le comment et rien sur le pourquoi. Sans la transmission du sens, les gestes ne deviennent que rituel. Quand un jeune dans un cours d'art se voit décrire un tableau de Théodore d'Aligny en disant: deux hommes se baignant dans la rivière, alors que n'importe qui ayant un minimum d'éducation sauraient reconnaître le baptême de Jésus, on peut dire qu'il y a un maillon de la chaîne qui n'a pas fait son travail.


Bien sûr qu'il y a eu le refus global, la révolution tranquille, la sécularisation des institutions. Mais la lobotomie de l'histoire n'aura jamais de bienfait. L'histoire ne peut pas qu'être raconté seulement par ceux qui se sont "émancipé" du lourd fardeau des anciennes croyances, selon eux. Ils y a aussi les autres qui, par respect, se sont tue devant leur révolte, le temps que les blessures s'atténuent. Mais les croyants ont leur mot à dire sur leur vision du monde. Tout n'est pas tout noir, rétrograde, dépassé. C'est aussi vivant, actuel, porteur d'avenir. Et faut que ce soit dit aussi.

Parce qu'ensuite, les générations suivantes, qu'en comprendront-ils sans une transmission des clés d'interprétation.

Quand j'étais petit, mon oncle Michel me racontait une histoire. C'est un jeune papillon, un jour de printemps, qui demande à son grand-père comment c'était dans son temps. Oh, dans mon temps, il y avait de la neige partout, il faisait froid tout le temps, le soleil était couché dès 4h30 l'après-midi. Le jeune papillon regardant les fleurs, les champs verts, sentant la brise chaude l'emporter, s'écrit: Heille! Y capote le grand-père. De la neige toi! Sénile tu dis!


La réalité est plus longue qu'une seule vie. Mais comment comprendre sans référent, sans contexte, sans un devoir de mémoire...