Être en marge
La tolérance, au fond, c'est la marge entre l'acceptation et le rejet. C'est une zone tampon, un espace de sécurité, avant de sauter directement dans l'intolérance. A mon oreille ça flirte un peu trop avec le mépris. Le parallèle me saute aux yeux. Comme la tolérance, le mépris aussi se situe dans la marge. Entre le prendre et ne pas prendre, il y a le mal prendre, le mépris. Et comme les promenades en montagne, à trop se promener sur le bord de la falaise on y tombe, tôt ou tard.
L'intolérance
La tolérance n'est pas le contraire de l'intolérance. Ce serait plutôt l'intolérance qui est le contraire de la tolérance. La tolérance est une sorte de mépris qui se pare d'un sourire pour ne pas avoir l'air trop répréhensible. Dans le discours du tolérant on remarque toujours ces petites pointes: je ne suis pas raciste, MOI. Je paie mes impôts, MOI. Je ne vis pas au crochet de la société, MOI. Le tolérant est toujours mieux que ceux dont il tolère la présence. Il est toujours mieux parce qu'il considère que l'autre ne l'est pas. La tolérance a quelque chose qui pousse à ne pas en faire plus pour l'autre. La tolérance c'est la reconnaissance de son impuissance à pouvoir rejeter l'autre si on s'écoutait, si il n'y avait pas les conventions sociales.
L'accueil
Si donc la tolérance n'est pas le mot qui exprime le mieux notre pensée quand on désire se placer en opposition avec l'intolérance il faut alors en découvrir un autre. Pourquoi pas l'accueil. L'accueil implique quelque chose de plus actif. Il nécessite un rapprochement, des bras ouverts. Quand on accueille l'autre, on l'accueille avec ses différences pas malgré elles. Quand on accueille l'autre on est responsable de lui. Responsable de son bonheur, responsable de son malheur. Ça nous force un peu, il me semble, à ce qu'il soit plus souvent dans le bonheur que dans le malheur. Parce que l'autre aussi est responsable de nous. Car il n'y a pas de Je s'il n'y a pas de Tu, comme le répète toujours Albert Jacquart. En rejetant l'autre, en refusant de l'accueillir, nous rejetons aussi l'instrument de notre propre bonheur.
Originalement écrit en 1997/09/27>
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