Règle no. 1: Tu ne niaise pas un chauffeur d’autobus.
8h30 pm. L’autobus 215 décolle du terminus de Fairview dans l’ouest de Montréal. Rendu au coin de Brunswick, deux jeunes hommes dans la vingtaine cognent à la porte du pour entrer dans le bus. Bien voyons donc! L’autobus n’a même pas d’arrêt à ce coin et en plus il n’est même pas sur le bord du trottoir mais sur la troisième voie du centre. C’est sûr qu’aucun chauffeur qui se respecte ne laissera pas entrer personne là. Après avoir fait signe que non aux individus, ceux-ci s’élancent à la course, traversent le boulevard St-Jean (sur la lumière rouge) et vont jusqu’à l’arrêt suivant 150 mètres plus loin.
Essoufflés, mais arrivant avant le bus, ceux-ci montent. Le premier valide son passage avec sa carte Opus. Le second fouille dans ses poches. Je suis au second banc devant et je vois la scène. Continuant de faire semblant de chercher dans ses poches, il appelle son copain à sa rescousse. L’air de rien, celui-ci glisse sa passe de bus dans la poche de son comparse. Continuant de fouiller, il “trouve” enfin sa passe et l’agite devant la machine. Buzzzz! Buzzz!! Évidemment la machine refuse avec son voyant rouge.
Le chauffeur lui explique qu’on ne peut pas utiliser la même passe deux fois dans le même bus.
“Ah! Come on!”, lui dit le gars. “Tu mets du cash dans la fente, mon gars”, rétorque le chauffeur.
Fouille, fouille, fouille… Petite monnaie ici et là, il finit par mettre 2$ dans la machine.
“C’est trois dollars, mon gars”.
“Ah! Tu me niaise là!”
“Non c’est toi qui me niaise”, dit le chauffeur. “Trois piastres ou pas de reçu”
“Ah, come on, là! Manque juste une piastre là!”
Évidemment, le type va rejoindre son copain à l’arrière sans payer son dû… Le chauffeur est fru mais mais que voulez vous?…
L’autobus décolle. Arrivé aux Galeries DesSources, ding, ding ding! Ça veut débarquer ces gars-là! Le chauffeur s’arrête et ouvre la porte avant. “Non, non, l’autre arrêt”
“Heille tu me niaise là?”, fulmine le chauffeur.
…
On ne sait jamais ce qu’a été la journée d’un chauffeur. Des fois il est souriant, d’autre fois bourru. Problème de syndicat, problème personnel, on ne le sait pas. Accumulation de friction avec les clients on ne le sait pas non plus. Toujours est-il qu’il vient toujours un moment où vient la goutte qui fait déborder le vase, qui fait qu’une journée dérape.
…
En arrivant à l’arrêt suivant, nos deux compères se séparent, l’un à l’avant, l’autre (celui qui lui manque une piastre) à l’arrière. Je suppose qu’il trouve que ça s’échauffe un peu. La porte s’ouvre, celui de devant se gargarise de “va chier” et d’autres expression typique, puis se retourne et crache au visage du chauffeur. Puis il se sauve en courant.
Ding ding ding!! Le chauffeur pète sa coche. L’autre derrière frappe dans la porte pour sortir. Pense-tu vraiment que tu va sortir toi là! Le chauffeur décolle en trombe à la poursuite de notre cracheur. En zigzagant pour le rattraper avec le bus, plusieurs passagers se mettent à crier de panique. Nous voici en pleine chasse à l’homme. Le type traverse en courant de l’autre côté de la rue. Qu’à cela ne tienne! Notre chauffeur continue sa poursuite, passe par-dessus le terre-plein avec l’autobus. Ça crie de plus belle dans l’autobus.
L’autobus poursuit sa course, coupant les trois voies, embarque sur le trottoir, puis la terrasse d’un bloc appartement pour s’arrêter finalement dans le stationnement. Bleu, rouge, vert, le chauffeur ouvre la porte et sort avec une barre de métal de deux pieds et demi de long après notre gars. Des passagers qui appellent, qui le 911, qui la police. d’autres qui invective le chauffeur. “Appelle là la police, c’est ça que j’veux!”
…
Trois voitures de police plus tard, ça se calme un peu. Je n’ai pas poursuivi ma route dans cet autobus là. J’ai préféré aller prendre un café dans la Belle Province juste à côté.
C’est agressif cette ville là. Deux petits cons qui se foutent de tout et de tous. Un chauffeur qui devrait surement prendre des vacances ou bien revoir sa carrière.
Il y a des gouttes comme ça qui font déborder les vases. On peut discourir autant qu’on veut sur le pourquoi, le comment des effets de la dernière goutte.
Faudrait se demander aussi pourquoi le verre est aussi plein, aussi! Des petites choses… goutte à goutte… qui s’accumulent.
Après ça on se demande pourquoi il y a des innocents qui se ramassent des balles perdues en pleine rue…
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