dimanche 7 décembre 2008

A quelle distance de la nature êtes-vous?

200 mètres? 500 km? Vous pensez probablement que je vous parle d’une distance physique jusqu’au prochain bosquet comprenant au moins une centaine d’arbres.

De la nature ou de la réalité c'est pareil. En fait, je parle plutôt de toutes les distances qui nous éloignent de la réalité et dont on ne prend plus conscience.

C’est quand la dernière fois où vous avez vu vivant l’animal d’où provient la viande votre tourtière des fêtes? Ok, peut-être pas vous personnellement, mais qui est le dernier à l’avoir vu vivant? Le caissier à l’épicerie? Le camionneur qui a livré son chargement à l’épicerie par boîte de cent tourtières? L’employé de l’usine de tourtière qui surveille la cuisson sur la chaîne de montage? L’opérateur de la machine à viandes hachées chez le fournisseur? Je ne suis même pas sûr que celui qui a débité la carcasse de viande l’a vu vivant tellement la chaîne est longue. La distance est maintenant tellement longue que je ne suis pas plus sûr non plus que les enfants citadins d’aujourd’hui ont conscience que la viande provienne d’animaux. Certains, l'apprenant, deviennent végétariens par sensiblerie exacerbée. Pauvre p’tit animal!

La distance à la réalité quand elle est connue et assumée, ce n’est pas vraiment un problème. Les astronautes qui vivent à l’année dans la station spatiale connaissent ce que veut dire la distance à la réalité. Quand on est coupé de tout apport de la nature, on sait combien on doit être attentif à tous les éléments sur lequel s’appui la vie, l’air et l’eau, la nourriture, l’énergie.
C’est une question de survie. L’ampleur du risque est comprise et gérée dès la conception. Partout où le risque devient ingérable on double et triple les équipements nécessaires. On multiplie les procédures de contrôle.

Bientôt la période des RÉER s’en vient et je me pose franchement des questions. Là aussi la connaissance sur la distance à la réalité s’impose. Si vous vous foutez d’où provient la viande de votre tourtière, peut-être vous faut-il réfléchir, un petit peu, comme moi, sur la provenance des super rendements financiers que les banques nous promettent. Est-ce que la banque tire ses profits de ses investissements dans le dépanneur du coin? Des frais faramineux de nos transactions aux guichets automatiques? Vous vous doutez bien où je suis en train de vous emmener non?

Parce que c’est justement le cœur de ce qui se passe dans la crise financière. Nous confions notre argent à des gens qui n’arrivent même plus à nous dire d’où viennent les profits qu’on espère obtenir pour consolider notre niveau de vie à la retraite, une période complètement dépendante de notre capacité de planification. Ou à tout le moins la confiance en ceux à qui nous confions le fruit de notre labeur.

La confiance, c’est le principal produit financier que nous vends les banques. Dites-moi que vous savez de quoi il est question quand on parle de produit financier comme les swaps, le CDO, les warrants. Moi je n’y comprends que dalle, mais ce sont le genre de produit financier qu’utilisent les banques pour faire des profits ou fournir des rendements dit garantis. Pourtant même ceux qui gèrent les fonds de retraites, donc soi-disant comme des pères de familles vacillent. La vente de BCE (Bell Canada) à Teachers (fond de retraite des professeurs de l’Ontario) est maintenant compromise parce que la vente de 52 milliards est garantie par des actifs qui fondent comme neige au soleil par la crise. Contrairement à la station spatiale, ici on voit le résultat quand on omet de multiplier les outils de contrôle. La dérèglementation, le marché qui sait se qu’il fait… Foutaise… Les CDO c'est justement les produits financiers en cause dans la crise, où on prète à risque de l'argent, garanti sur les hypothèques détenu par les banques sur des personnes insolvables mais dont, forcément, la valeur des maisons ne peuvent QUE aller à la hausse! Du béton quoi!

Et on en a pas fini d’accroitre notre distance à la réalité. Toutes les sortes de réalité. Aujourd’hui, il y a des gens qui connaissent mieux la géographie des territoires virtuels de World of Warcraft que les noms de rue de leurs villes. Des gens qui connaissent mieux le nom des personnages Pokémon que le nom de leur député local.

Quelque soit la distance dont on se tient de la réalité, il est important d’en connaître la teneur et les mécanismes si on veut en minimiser les risques, pour faire des choix éclairés voire en assumer les dérives. Avant de voter, avez-vous lu les programmes des partis politiques?

Et plus important encore, quelqu’un a-t-il abdiqué dans sa recherche sur savoir comment on met le caramel dans la caramilk?